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La mer et la yole… et un fou génial

C’est le titre du nouvel ouvrage de référence, qui vient de paraître sous la plume de Georges Brival, et consacré à l’une des plus originales compétitions nautiques au monde, la plus mobilisatrice de foule à la Martinique et le principal vecteur touristique de l’île. A en croire les amateurs passionnés de voile qui ont parcouru les océans à la recherche de sensations fortes et exceptionnelles, que l’on ne rencontre qu’entre ciel et mer, cette compétition sportive originale, qui allie l’impact du visuel, la force de l’émotion, la maîtrise, l’originalité, l’humilité et la classe sobre des hommes de la mer serait tout simplement unique.

Georges-Brival

C’est l’histoire d’une folle aventure tentée par Georges Brival ancien Président de la Société « Yoles et Gommiers de la Martinique » et fondateur de la « Société des Yoles Rondes de la Martinique » .

On lui doit d’avoir porté au Pinacle un simple sport nautique pratiqué par des marins pêcheurs avec leurs outils de travail, et d’en avoir fait une véritable attraction sportive et touristique dont le rayonnement dépasse les frontières de la Martinique.

L’enjeu était de taille, car il s’agissait de projeter la course des yoles qui était déjà une attraction originale, mais qui se déroulait dans un espace limité et sécurisé dans une dimension nouvelle qui consistait à en faire « Le Tour de la Martinique des Yoles Rondes » avec tous les imprévus, les obstacles psychologiques, les nouvelles normes de sécurité, la difficulté du parcours quant à la distance à parcourir : 110 miles Marin, la mer démontée de la façade atlantique de l’île, les autorisations administratives et des moyens et des normes spécifiques d’encadrement.

Comme l’avoue lui-même Georges Brival, cette proposition ambitieuse et originale faillit ne pas voir le jour. Elle fut loin de rallier la majorité des membres de la Société des Yoles Rondes de la Martinique, qui était hostile à ce projet et y voyait une source de difficultés et de dangers, que personne n’était en mesure d’évaluer très précisément au moment ou l’idée fut lancée, c’est-à-dire entre deux punchs.

II advint ce que l’on sait : l’ambition payante, car aujourd’hui, la Martinique est davantage connue pour son « Tour des Yoles » que pour ses cocotiers qui n’ont rien d’original car ils se dressent sur toutes les plages de la Caraïbe jusqu’en Asie et en Afrique.

Suprême consécration : Georges Brival osa faire mentir le Grand Sage et philosophe Sénèque qui déclara : « II n’est pas de vent favorable pour celui qui ne sait où i! va » . Chacun sait ce qu’il advint du Tour des Yoles de la Martinique : « Une réussite » .

Il lui tint à coeur d’intégrer à la Société des Yoles Rondes, « les Bébé Yoles » , un modèle réduit de la yole de course qui devait permettre aux jeunes de s’initier à la course afin de garantir la pérennité de la tradition du tour des yoles. Dans ce livre très documenté, Georges Brival lève le voile sur les secrets de la fabrication de la « yole » . On y apprend que la totalité de la yole est conçue sans plan, ce qui ne veut pas dire n’importe comment. II faut comprendre par là que le charpentier de marine dont c’est l’oeuvre, a imprimé en lui pendant des années d’apprentissage les plans de la yole, les gestes du métier d’artisan de yole, transmis par le patron auprès de qui il a appris l’art de la fabrication qui est un véritable travail de compagnon jusqu’à la maîtrise où gestes et secrets se transmettent par la parole et parfois intuitivement.

II serait erroné de croire que la tâche est facile parce qu’elle s’accomplit dans la simplicité du geste : « Faux » . Tout doit être pensé, visualisé puis mémorisé. Le geste est sobre et s’accomplit dans la concentration comme un rite. Tout geste superflu ou inutile est banni, les outils sont peu nombreux et peuvent sembler rudimentaires, mais ce n’est pas l’outil qui accomplit l’oeuvre, c’est la précision du geste dans une concentration précise prolongé par l’outil.

Le Maître charpentier devient alors lui-même l’outil. La quille, élément indispensable de cet ensemble harmonieux, joue un rôle fondamental dans la performance de la yole. Laissons Georges Brival nous livrer quelques rudiments d’informations sur la quille :

« … Sur la quille est fixée ce que les yoleurs appellent la semelle, calculée de manière à rendre l’embarcation plus vive, en fonction de sa largeur. Sur cet ensemble, est fixée « la fausse quille » qui est escamotable et qui ne sert que pour les courses à deux voiles. Enfin, « la taille mère » qui est une pièce effilée fixée sur l’étrave afin de permettre à l’embarcation de mieux fendre la mer » .

On aura compris que la fabrication d’une yole n’est ni le fruit du hasard ou de l’improvisation et que ces Maîtres charpentiers sur qui repose l’essentiel et même l’existence du Tour, sont détenteurs d’un véritable savoir oralement transmissible, autant dire incommunicable à ceux qui n’ont pas la prédisposition du coeur. Ce qui fait dire, à juste titre, à Georges Brival dans son livre : « Certains patrons de yoles, tels que Désiré Lamon, Georges Henri Lagier et Joseph Mas ont construit leur propre yole, ce qui ne peut être qu’un avantage, et ce n’est pas un hasard si le premier Tour fut gagné par Désiré Lamon et que Georges

Lagier détient le record de victoires sur le Tour de la Martinique » . Véritable livre de souvenirs , mémoire incontestée du Premier Tour des Yoles de la Martinique, le livre de Georges Brival est un hommage à ces hommes de la mer exceptionnels qui l’ont suivi dans cette aventure en dépit des craintes justifiés et des réticences émotionnelles.

La particularité et l’originalité des « fous » , je parle des fous géniaux, ceux qui ne sont pas dans les asiles, qui ne permettent aucune limite à leurs inventions, c’est précisément de toujours franchir les limites sans se préoccuper des conséquences qui n’appartiennent qu’à Dieu. Dieu doit aimer les fous car ils l’amusent, les Rois de France avaient le leur qui les amusaient et les faisaient rêver, il y a sans doute une raison à cela. La vie de Georges Brival est une succession de folies maîtrisées et de passions : Cosmy Le premier grand vivier à langoustes de la Martinique arrivé trop tôt, la Bananeraie inoubliable Night Club de la Caraïbe, le Saint Georges club, La Moïna, le Tour des Yoles de la Martinique, les Premières Floralies Caraïbéennes, plusieurs revues touristiques. etc…

Roger Jaffory, consultant fiscal et en financements européens

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